Une fois encore, il m’est très difficile de décrire l’oeuvre de David Mitchell. Même si ce livre ne déroge pas à la règle de l’excellence, il est très compliqué d’en résumer l’essence afin d’en donner un avant-goût au lecteur.
Que dire alors? Qu’il s’agit du récit d’une guerre entre Anachorètes et Horlogers? Trop abstrait. Que chaque chapitre croque quelques années de personnages forts, aux dons parfois mystérieuses, qui vivent la maternité, la fugue , la maladie, les premières déceptions amoureuses? Trop simple. Que David Mitchell croque la société britannique des années 1984 à 2043? Ses déviances, ses limites? Trop caricatural. Que le livre laisse entrevoir une fin de l’Humanité très (trop?) réaliste sur un fond de traité sur l’Immortalité? Trop sience-fiction.
Disons plutôt que L’âme des horloges est un medley.
Laissons les mots de l’auteur parler pour nous:
« Et sinon, qu’est-ce qui a changé depuis 1984?
— On arrive au bout des réserves de pétrole, dis-je, en prenant le pouls de Holly et en regardant la trotteuse de l’horloge. La population terrestre est de huit milliards, les extinctions d’espèces de la faune et de la flore sont monnaie courante, le changement climatique met un terme prématuré à l’Holocène. L’apartheid, les Castro de Cuba, la vie privée: enterrée. L’URSS a été liquidée, le bloc de l’Est a explosé, l’Allemagne est réunifiée, l’Union européenne est devenue fédérale. La Chine n’est plus qu’une immense centrale électrique -mais il faut voir leur atmosphère: c’est l’effluente gazeuse d’une usine- , et la Corée du Nord reste un Goulag dont le dirigeant est un cannibale à la coiffure singulière. Les Kurdes ont un État à eux, les chiites et les sunnites s’affrontent dans tout le Moyen-Orient, les Tamouls du Sri Lanka se font massacrer, les Palestiniens tentent toujours de survivre en fouillant les décharges d’Israël. Les gens confient la gestion de leurs souvenirs à des centres de données et leurs connaissances de base à des tablettes. Le 11 septembre 2001, des pirates de l’air saoudiens ont envoyé s’écraser deux avions de ligne dans le Tours jumelles. En conséquence, l’Afghanistan et l’Irak ont été envahis et occupés pendant des années par des soldats américains pour la plupart, et britanniques pour le reste. Les inégalités sont incommensurables. Les vingt-sept personnes les plus riches du monde possèdent plus de richesses que les cinq milliards de gens les plus pauvres, et tout le monde trouve cela normal. Plus positif, il y a plus de puissance de calcul dans la tablette d’Arkady qu’il y en avait dans le monde quand tu l’as quitté, un président noir a occupé la Maison Blanche pendant deux mandats consécutifs et on peut désormais acheter des fraises à Noël. »
Alors, cher lecteur, tu as envie de lire L’âme des horloges maintenant?