La saga des émigrants, Vilhelm Moberg

La saga des émigrants, Vilhelm Moberg

La littérature scandinave, je suis tombée dedans quand j’avais environ vingt ans. J’avais découvert Hebjorg Wassmo et son Livre de Dina. J’ai lu tous les tomes qui composaient la saga, d’une traite. La langue brute, les phrases courtes, les personnalités fortes, rudes, taiseuses, les paysages magnifiques et gigantesques. J’avais développé une passion pour la Norvège. Et même essayé de convaincre une copine de partir en vacances là-bas, en vain. Mais coup de chance, ma cousine décollait pour six mois en Islande et m’a emmenée dans ses bagages pour la fin de l’été. Avec pour mission principale: voir des macareux avant les migrations et des aurores boréales en automne. Depuis, j’adore la Nature sauvage, les fjords, les icebergs et les glaciers, les sources chaudes et les phoques. Je cherche sans cesse à revivre ce que que j’ai lu et vécu et me tourne de plus en plus vers ces pays qui me font rêver.

Et le moyen le moins cher de voyager, c’est les livres. C’est rapide, les vols durent peu de temps et on vit la vie des habitants comme si on en était.

C’est pour ça que lorsqu’on m’a parlé de La saga des émigrants, je me suis précipitée pour l’acheter. J’embarquai alors pour la Suède du XIXème siècle. A priori pas une période facile pour le royaume, passée sous la coupe d’un roi aux origines béarnaises, à la noblesse aussi légitime que Stéphanie de Monaco. Un siècle qui a vu un million de Suédois migrer vers le Nouveau Monde. Des Suédois aux espérances nombreuses, qui devaient affronter des obstacles, dont le joug d’une société bigote à la féodalité bien ancrée.

La saga des émigrants, c’est l’histoire des habitants de la paroisse de Ljuder, notamment Karl Oskar Nilsson et sa femme Kristina. Qui emmènent avec eux toute une suite composée de leurs enfants, du frère de Karl Oskar, d’un oncle et de son épouse et de quelques autres habitants aux moeurs plus ou moins recommandables.

Moberg décortique ce qui a poussé les habitants d’une petite ferme à quitter une terre qu’ils n’avaient jamais délaissée depuis des siècles. D’abord des saisons plus rudes que les autres années, qui ont vu les récoltes s’amoindrir et la famine s’installer, avec les conséquences funestes que l’on peut deviner. Il y a aussi l’oncle de Kristina, Danjel Andreasson, descendant de l’hérétique Ake Svensson, qui propage à nouveau la religion déviante de son aïeul, causant les foudres des autorités locales. A force de se retrouver condamné au pain sec et à l’eau, Danjel se verra attiré vers un autre chemin: celui de l’Amérique. Le système de la domesticité forcée forcera Robert Nilsson à vouloir quitter cette féodalité camouflée sous un rapport maître/valet faussement bienveillant.

Les passages concernant Danjel sont parfois un peu longs à mon goût, car l’auteur décrit l’hérésie qu’il propage, cite des extraits de la Bible, s’enlise dans des dialogues absurdes entre pasteur défenseur d’une foi droite et vrai et hérétique balbutiant des religiosités éthérées. C’est intéressant d’un point de vue de l’histoire religieuse car on sait que l’Amérique s’est nourrie des hérésies et des populations qu’elles envoyaient sur ses Terres: protestants français persécutés, mormons, quakers, amish et autres branches protestantes considérées comme déviantes ont peuplé le Nouveau-Monde. Celle propagée par Danjel Andreasson est de celles-ci.

La Saga des émigrants de Vilhelm Moberg

Mais j’ai indiscutablement vibré avec Karl Oskar et Kristina. Depuis leur prise de décision jusqu’à leur départ pour le Nouveau-Monde, un noeud d’angoisse ne m’ a pas quitté. Prenaient-ils la bonne décision? Quitter sa terre et sa famille: était-ce vraiment judicieux? Les terres étaient-elles vraiment meilleures en Amérique? Y est-on si libre? Quelle épreuve que de lire ces descriptions de voitures tirées par des chevaux menant péniblement les émigrants jusqu’ à leur bateau. Ces enfants de quatre, trois et un ans qui vont devoir subir un voyage sur l’Atlantique pouvant durer de un à cinq mois. Imaginez vous devoir préparer des affaires pour une si longue traversée. Vous devez prendre de l’argent liquide car les banques ne sont pas celles d’aujourd’hui, le but étant de pas le perdre, ni de se le faire voler, penser à emmener ce dont vous avez le plus besoin: outils, linges, vêtements, nourriture, vaisselle… Et des questions vous angoissent:la cafetière sera-t-elle utile, le beurre rancira-il lors de la traversée? Nos habits seront-ils assez chauds pour l’hiver américain? Et tout simplement, sortirons-nous indemnes de la traversée ?

Ça je ne le saurai qu’à la lecture du tome 2 que j’entamerai la semaine prochaine. Il s’intitule La Traversée et je pense qu’elle ne sera pas de tout repos. J’ai aussi hâte de découvrir La Terre Bénie, car à nouveau je voyagerai, avec les yeux de ces paysans suédois découvrant l’Amérique.


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