« Les Osages savaient qu’il y avait du pétrole sous la réserve. Dix ans plus tôt, un Indien avait montré à John Florer, propriétaire du comptoir de Gray Horse, le reflet d’un arc-en-ciel à la surface d’un ruisseau. L’Indien y avait laisser traîner sa couverture et avait essoré le liquide dans une gourde à laquelle Florer trouvait une odeur similaire à la graisse qu’il vendait dans son magasin, et il s’était précipité pour montrer cet échantillon à des gens qui confirmèrent son intuition: c’était bien du pétrole. »
Quand sur la première page du livre, on lit la biographie de David Grann, on ne peut pas s’empêcher d’être admiratif après avoir parcouru la dernière ligne: »Il sera adapté à l’écran par Martin Scorsese ». Bon, soit. On a pas encore lu le bouquin, mais bon sang Scorsese, ça en jette. Puis, au fur et à mesure qu’on parcourt cette géniale enquête, l’adaptation par le réalisateur des Infiltrés et des Affranchis paraît évidente. Qui d’autre pourrait mettre en scène cette histoire d’Indiens richissimes vivant sur une réserve de pétrole et se faisant assassiner par des blancs racistes, vénaux et jaloux de leurs réussites? Qui pourrait filmer l’ascension de Hoover, du FBI et Tom White, l’enquêteur obstiné et silencieux? Je l’imagine déjà suivre le manipulable Ernest Burkhart et le froid et calculateur William Hale. Je devine déjà la distribution et la bande originale.
Je vois les plans froids et crus des scènes de meurtres. Le cadavre recroquevillé d’Anna Brown dans sa voiture, le sang séché et la rigidité cadavérique. L’approche concise et organisée de la création et de la consolidation de FBI, Hoover froid et méthodique, l’Oklahoma sec et brut, les Amérindiens comme peut-être on les a pas encore filmés. William Hale faussement courtois et Ernest Burkhart qui trombe la tribu et sa famille. L’explosion qui emporte la maison et la famille Smith sera spectaculaire et sûrement un point d’orgue du film. Le paroxysme de la cruauté contre les Osages. Spectaculaire, cinématographique, surréaliste, mais hélas, réelle.
Une lumière est enfin faite sur ces meurtres dont on ne sait pas encore tout. Car La Note Américaine révèle un autre pan du génocide amérindien. Là où il y aurait pu avoir l’égalité et la tolérance, il y a encore eu l’écrasement, la cupidité, l’envie, la xénophobie face à l’indifférence de la société, voire du monde. Car l’or noir n’est pas seulement l’affaire des Américains mais celle des pays industrialisés du début du XXème siècle.
Encore une fois le sang fut versé, l’Amérique a encore une note à payer.
Les mots de Mary Jo Webb sont les mieux placés pour conclure la magnifique recherche de Grann et son livre fascinant.
« Mary Jo Webb me raccompagna jusqu’à la porte. La nuit tombait. La ville, les rues et la Praire au-delà étaient désertes. « Cette terre est gorgée de sang », commenta Mary Jo. Elle se tut un instant et nous entendîmes les feuilles des chênes bruisse dans le vent. Puis elle me rappela ce que dieu avait dit à Caïn après le meurtre d’Abel: « La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi. »