Des jours sans fin de Sebastian Barry

Des jours sans fin de Sebastian Barry

Jusqu’il n’y a pas très longtemps, les images de la Guerre de Sécession que j’avais venaient de Retour à Cold Mountain (film et livre) et quelques scènes édulcorées d’Autant en Emporte le Vent. Puis, un jour, mon père m’a parlé d’une exposition de photos de la guerre de Sécession qui l’avait beaucoup marqué. Je l’avais interrogé: « De la Guerre de Sécession, tu es sûr? Ça existait déjà les photos à cette époque? » Une fois dans ma chambre, j’avais tapé « Photos guerre de sécession » sur Google et avait su, que oui, les photos existaient à cette époque. J’avais contemplé longtemps ces visages figés pour l’éternité dans des sourires de circonstances, Abraham Lincoln immense parcourant des troupes et celle plus célèbres des corps dont la rigidité cadavérique apparaissait, évidente.

Pour faire simple la guerre de Sécession a duré de 1861 à1865 et opposait les États-Unis, l’Union, qui prônaient l’abolition de l’esclavage et la Confédération formée d’onze états du Sud, évidemment esclavagistes. Abraham Lincoln était à la tête de l’Union.

Guerre de tranchées, de positions, de boue et de massacres, ce conflit nous a laissé une image sanglante que Sebastian Barry conforte:

« Il y a plus de blessures par balles qu’on aurait pu le croire, et alors que j’ai pas eu l’impression d’entendre des tirs d’obus pendant la charge, beaucoup ont un bras qui manque, ou des membres qui pendouillent. Des infirmiers allument de grosses lampes à huile et la scie entre en action. Il y a aucun hôpital aux environs, donc c’est maintenant ou jamais. On enveloppe avec soin tout ce qui peut être bandé. Au bout de la table du chirurgien, la pile de bras et de jambes grandit. On dirait les offrandes d’un abominable boucher. On a préparé des feux, on applique le fer sur les blessures en tenant fort les hommes qui hurlent. Au fond de notre coeur, on sait qu’ils ne survivront pas. Que la pourriture va s’installer en eux, et que même si on réussit à les renvoyer dans le Nord, ils verront pas le prochain Noël. D’abord ce sera de vilaines taches noires, puis la sentence finale. On a vu ça mille fois. »

J’ai commencé par parler de la Guerre de Sécession pour aborder le magnifique livre de Sébastien Barry, mais j’aurais pu aussi bien parler de la frontière, des luttes contre les Indiens, des forts, de la cavalerie, et du Genre surtout du Genre.

Parce que même si Thomas Mc Nulty est un soldat avant tout, il aime porter des étoffes féminines, être rasé de près et vu comme la femme de John Cole et pas que pour les spectacles de cabaret et se cacher de ses supérieurs. Il le dit lui même: « Je me couche avec l’âme d’une femme, je me réveille pareil. »D’ailleurs lui et Cole forment un couple soudé. Ils sont soldats tous les deux, se battent ensemble, vivent ensemble et adoptent même une jeune squaw, Wiwona. C’est un couple absolument moderne. Ils ne doutent pas de leur amour, de leur normalité, même s’ils restent pudiques devant la plupart des autres. Un cercle fermé de fidèles accepte Thomas comme il est, ne bronchant pas lorsqu’il adopte définitivement la robe et les bas.

C’est le spectacle de ces Braves, ces combattants indiens, qui vivent comme des femmes et qui sont tolérés par la tribu qui conforte Mc Nulty dans son choix de vie. Car, comme lui, lorsqu’il faut combattre, ces Braves enfilent leurs vêtements de guerrier et partent à l’assaut. Il le dit d’ailleurs: « Je finis par croire que ces Indiens vêtus de robes m’ont montré la voie. »

Je pourrais encore beaucoup écrire sur ce très beau livre, mais j’aurais peur d’en dénaturer la langue brute, frontale, la pudeur mais aussi la modernité de cet ouvrage qui choisit des personnages principaux différents des autres, mais encore plus attachants.

Lisez le, et vivez avec Thomas et John, et vous verrez, vous vivrez l’Amérique autrement.


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