Bois Sauvage, Jesmyn Ward

Bois Sauvage, Jesmyn Ward

Jesmyn Ward, c’est l’auteure américaine du moment. On la croise partout, dans les journaux, les magazines, dans America et sur Bookstagram. Même dans les conversations au coin du feu. Je me méfie toujours de ce qu’on croise partout, un peu comme je me méfie du loup blanc. Le succès n’est toujours pas la garantie de la qualité. Pour éviter une éventuelle déception, je n’ai donc pas choisi Le chant des revenants, mais Bois sauvage. C’est la poésie du titre qui m’a attirée mais aussi un des thèmes du livre, Katrina, l’ouragan dévastateur qui a frappé le Sud des Étais Unis en 2005.

Bois Sauvage c’est l’histoire d’Esch, adolescente de quatorze ans, qui vit dans une maison brinquebalante, dotée d’une mare sombre et épaisse, au sein d’ un bayou qui sent la terre, l’humidité, la fumée, la misère et la saleté. Esch a quatre frères, un père à moitié alcoolique et une mère morte en couche, dont le souvenir la hante à chaque instant. Surtout depuis qu’Esch est enceinte. Elle sait de qui, elle qui s’est pourtant couchée à de nombreuses fois. Pas parce qu’elle aime ça Esch, elle sait pas trop pourquoi elle le fait d’ailleurs. Sauf pour Manny, qu’elle trouve un peu à part, ce grand gars au visage ravagé.

Au fur et à mesure que sa grossesse s’affirme, que son ventre se dévoile, rond et dur sur le corps d’une gamine, Esch erre en attendant Katrina, son souffle vengeur et ses eaux dévastatrices. Elle regarde Randall jouer au basket, Junior errer de ci et de là et suivre maladroitement les pas de ses aînés. Mais c’est surtout Skeet qu’elle accompagne. Skeet et China, sa chienne de combat. Pitbull qui a mis bas une portée de jeunes chiens voués à se battre, comme leur mère et ses maîtres. Mère animale qui interroge Esch sur son rôle à venir.Celui de la Mère.

Jesmyn Ward dépeint avec hargne l’Amérique noire désabusée, laissée pour compte. L’Amérique de Bush. Celle des victimes de l’ouragan qui a fait des milliers de morts, de sans abris, de blessés. Celle des taudis, des pauvres, des minorités, des adolescentes enceintes, des pères alcooliques, des mères mortes en couches, des rêves brisés. L’Amérique du bayou, du Sud, des siècles d’espérances.

J’ai voulu entendre Katrina, ses conséquences, sa dévastation. J’ai été déçue. L’ouragan n’arrive que dans les toutes dernières pages. Je cherchais sûrement plus de sociologie, de géographie, de politique, de faits concrets. Et Ward dépeint juste une tranche de vie, celle d’Esch, loin de l’Histoire avec un grand H. Un peu comme Flaubert qui écrit L’Éducation Sentimentale, en s’écartant des grands événements français (c’est pour ça que je préfère Zola à Flaubert d’ailleurs). Esch ne pense pas à l’ouragan tant elle est à l’écoute de son corps et d’elle-même.

Illustration photographique du livre Bois Sauvage, Jesmyn Ward

Ce qui m’a vraiment fait traîner, piétiner, errer dans ma lecture, me faisant m’interrompre sans cesse, poser mon livre, saisir mon téléphone, passer à autre chose, dès que je commençais à saturer, ce sont les descriptions de la chienne China. De sa mise bas, de ses chiots, de ses croquettes, de sa couche, de sa couleur blanche…. Non, non, NON! Je comprends la métaphore, le lien Esch/ China/ Skeet, l’allégorie de la maternité et tout ça, mais China a vraiment gâché mon plaisir. Est-ce parce que je n’aime pas trop les canidés, leurs odeurs, leurs agressivités et le culte qu’en ont certains humains? Je l’ignore…

Je trouvais que c’était pas sympa pour Esch de s’attarder ainsi sur cet animal. Elle avait tant de choses à nous dire Esch, à vivre, à explorer. Randall aussi a eu ce traitement. Que sont devenus ses rêves de basket?Son talent? J’ai fini le livre désolée pour cette ado et ses frères, que j’aurais voulu connaître mieux, que l’auteure a délaissés au profit d’un animal exaspérant et agressif.

Je ne resterai pas sur cette déception et lirai Le chant des revenants. Pas immédiatement. Un jour.


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