La bibliothèque fantasmée


Ça c’est une partie de ma bibliothèque, vous la connaissez peut-être déjà.

Quand les livres s’accumulent et s’entassent, on a une sacrée tendance à fantasmer sa bibliothèque. On la dessine, on la redessine, on se projette sur Pinterest en jalousant les étagères des autres. On voit presque le jour où une horde de menuisiers musclés débarque avec des planches en bois et des marteaux pour fabriquer un truc qu’on verra apparaître sur The Socialite Family.

Puis un autre jour on entend parler de Marie Kondo et on vire minimaliste tendance maniaque. On essaie d’imaginer ce qu’on va jeter ou donner. Les Sophie Kinsella et Bridget Jones de nos quinze ans, la Comtesse de Ségur cornée de nos huit ans et les classiques qui font bien dans l’étagère et qu’on a jamais lus. Il y a aussi les livres étudiés en prépa, Borges, Nathalie Sarraute, Michaux, qui vous font passer pour une intellectuelle auprès de ceux qui décidément ne vous connaissent pas. Marie Kondo c’est facile pour elle, elle jette les trucs des autres sur Netflix, mais pour nous c’est un peu plus dur de bazarder Le Petit Ours Brun offert par grand tata en 1991.

Et aujourd’hui, comme vous trouvez votre appartement trop petit vous rêvez d’une maison avec une pièce bibliothèque avec étagères, cheminée et fauteuils capitonnés. Et puis des flasques de whisky et de cognac, des glaçons qui s’entrechoquent et des phrases comme « Je vous recevrai dans la bibliothèque ». Sans oublier la petite desserte à roulettes poussée par un domestique jusqu’à votre canapé. Bref, vous virez totalement Downtown Abbey, chien de chasse et tout le tintouin, l’actrice qui joue Mac Conagall en moins. Vous écrivez même vos chroniques en donnant du « vous » en veux-tu, en voilà.

La bibliothèque idéale, c’est un peu comme l’homme idéal. Il y a la forme et le contenu. Le contenu on peut quand même le faire évoluer, le malaxer, le changer mais la forme bon sang, c’est plus difficile. Il faut en venir à la menuiserie ou à la chirurgie esthétique et une nouvelle niche dans le mur du salon c’est comme une nouvelle cloison nasale, y’en a pour un bon bout de temps.


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